Face au déficit accumulé par notre pays, la réduction des dépenses publiques est inscrite à l’agenda politique. S’agissant du logement, il ne s’agit pas simplement d’une perspective d’avenir mais d’une réalité largement appliquée au cours des dernières années : l’effort public pour le logement est passé de 2,2% du PIB en 2010 à 1,5% en 2023. La réduction s’est faite en grande partie sur le budget des APL, avec d’abord une diminution pour tous, puis un prélèvement dans les caisses des organismes HLM pour financer une baisse complémentaire de l’APL de leurs locataires.
Pourtant le logement ne représente pas un coût pour les finances publiques. Les recettes fiscales qu’il génère sont très largement supérieures aux dépenses : 97 milliards de prélèvements pour 44 milliards d’aides, soit 53 milliards apportés dans les caisses de l’État [1]. Ce qui est choquant n’est pas que le logement rapporte de l’argent à l’État mais que, malgré ces ressources, celui-ci laisse des personnes à la rue ou mal logées.
Il est possible de mener une politique assurant le droit au logement tout en continuant de contribuer au redressement des finances publiques. Pour cela, il ne faut pas se contenter de regarder du côté des dépenses. Il n’y a pas d’autre choix possible que d’inscrire au budget les crédits indispensables à la production de nouveaux logements sociaux, aux APL et à la rénovation énergétique. Les coupes opérées au cours des dernières années n’ont fait qu’accroitre la crise du logement et contraindre l’État à augmenter les crédits de l’hébergement, sans pour autant éviter l’augmentation du nombre de sans-abris.
En réalité, les solutions sont à rechercher dans la gestion de la partie recettes du budget. La fiscalité doit être repensée pour être mise au service d’une politique du droit au logement. Dans un contexte de manque de logements, elle doit encourager la mise à disposition des terrains : on peut taxer davantage la rétention foncière et les logements laissés vacants. Dans un contexte de renchérissement des prix, il est juste et nécessaire de taxer les profits générés par la pénurie : on peut davantage taxer les plus-values, on peut taxer les loyers chers et financer ainsi une prime aux propriétaires qui louent en dessous des loyers de marché. Dans un contexte où l’enjeu climatique est essentiel, on peut taxer le logement énergivore pour financer les aides aux travaux...
Face à l’exigence de redressement des comptes publics, va-t-on opérer un nouveau coup de rabot aveugle ? Va-t-on rester sur le refus de toute augmentation fiscale ? Ou bien va-t-on, enfin, ouvrir le débat sur les moyens de financer la politique du logement dont notre pays a besoin ?
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO
[1] Chiffres issus du Rapport du compte du logement 2023